Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/63

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La vilaine affaire de traîner ces cadavres après soi, mieux vaudrait fusiller cette canaille !

Et il éclata d’un rire si étrange que Pétia crut que les Français allaient s’apercevoir de la tromperie et que malgré lui, il recula d’un pas.

Personne ne répondit aux paroles et au rire de Dolokhov, et l’officier français qu’on ne voyait pas (il était couché enveloppé dans son manteau) se souleva et chuchota quelque chose à ses camarades. Dolokhov se leva et appela le soldat à qui il avait confié les chevaux.

« Donnera-t-on ou non les chevaux ? » pensa involontairement Pétia en s’approchant de Dolokhov.

On donna les chevaux.

Bonjour, messieurs ! dit Dolokhov.

Pétia voulait dire bonsoir, mais il ne pouvait prononcer une seule parole. Les officiers chuchotaient entre eux. Dolokhov prit son temps pour monter sur le cheval qui ne restait pas tranquille ; ensuite, au pas, il franchit la porte cochère. Pétia allait à côté de lui, désirant et n’osant se retourner pour voir si les Français les poursuivaient ou non. Une fois sur la route, Dolokhov ne prit plus à travers champs mais suivit le village et un moment il s’arrêta pour écouter.

— Tu entends ? dit-il.

Pétia reconnut des sons de voix russes et aperçut près des bûchers les figures sombres des prisonniers russes.