Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/93

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Derrière lui, vers l’endroit où était assis Karataïev, un coup retentit. Pierre l’entendit fort bien, mais au même moment il se souvint n’avoir pas encore achevé le calcul commencé avant le passage du maréchal. Il calculait combien il y avait de marches jusqu’à Smolensk. Il se mit à compter. Deux soldats français, dont l’un tenait un fusil encore fumant, couraient devant Pierre. Ils étaient pâles, et dans l’expression de leurs visages — l’un d’eux regardait tendrement Pierre — il lisait quelque chose de semblable à ce qu’il avait vu chez le jeune soldat, pendant l’exécution. Pierre regarda le soldat et se rappela comment, l’avant-veille, il avait brûlé sa chemise en la séchant au bûcher et quelles moqueries il avait encourues.

Le chien se mit à hurler près de l’endroit où était assis Karataïev. « Quel imbécile, pourquoi hurle-t-il ? » pensa Pierre.

Les camarades qui marchaient à côté de Pierre, comme lui ne se tournaient pas vers l’endroit d’où l’on avait entendu d’abord le coup puis les hurlements du chien, mais une expression sévère était sur tous les visages.