Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/440

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paillis du premier pommier, je m’aperçus qu’en bas, au ras du sol, l’écorce en était rongée tout autour jusqu’à l’aubier, — comme un anneau blanc. C’était l’œuvre des souris. Je développai le second pommier, même chose. Sur deux cents pommiers, pas un seul n’était demeuré indemne.

Je mastiquai les parties rongées avec de la résine et de la cire ; mais à peine les fleurs s’étaient-elles épanouies qu’elles tombaient. Il poussa de petites feuilles ; elles se flétrirent et se desséchèrent. L’écorce se racornit, devint noire.

De deux cents pommiers, neuf seulement survécurent.

Ces neuf n’avaient pas eu leur écorce entièrement rongée ; dans l’anneau blanc, une bande d’écorce était restée. Au point de rencontre de ces bandes avec l’écorce, il se produisit des excroissances, et les pommiers, bien qu’ayant un peu souffert, continuèrent à croître. Tous les autres furent perdus ; seulement, au-dessous des parties rongées, des surgeons poussèrent, mais sauvages.

L’écorce, chez les arbres, c’est comme les veines chez l’homme ; le sang circule dans l’homme à travers les veines, comme la sève circule dans l’arbre à travers l’écorce, et monte dans les branches, les feuilles, les fleurs. On peut évider l’intérieur d’un tronc, comme il arrive aux vieux saules ; que seulement l’écorce vive, l’arbre vivra ; si l’écorce meurt, il est perdu. Si l’on coupe des veines à