Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/341

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irrité ni par la vue d’un cheval de paysan et de son poulain qui piétinaient la verdure (il avait ordonné aux paysans qui les rencontreraient de les chasser), ni par la réponse railleuse et sotte d’un paysan nommé Ipate, qu’il avait rencontré et à qui il avait demandé : « Eh bien, Ipate, il est bientôt temps de semer ? » et qui lui avait répondu : « Auparavant, Constantin Dmitritch, il faut labourer. » Plus il avançait, plus il devenait gai, et des projets d’exploitation, tous meilleurs les uns que les autres, se présentaient à lui : il faudrait planter une haie tout autour du champ, afin que la neige n’y puisse rester longtemps ; diviser les terres labourables en neuf parties dont six seraient fumées et trois consacrées à la culture fourragère ; construire une cour pour le bétail à l’extrémité du champ ; creuser un étang ; avoir des clôtures portatives pour le bétail afin d’utiliser l’engrais sur les prairies. Et alors il y aura trois cents déciatines de blé, cent de pommes de terre, cent cinquante de trèfle, et pas une seule déciatine ne sera épuisée. »

Ainsi rêvant, en engageant soigneusement son cheval dans les dérayures, pour ne pas piétiner les champs, il s’approcha des ouvriers qui semaient le trèfle. La charrette qui contenait le grain, au lieu d’être sur le chemin, était dans le champ et les semences d’automne se trouvaient écrasées par les roues et piétinées par le cheval. Les deux ouvriers étaient assis sur la dérayure, fumant probablement