Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/435

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aucune preuve à l’appui, il était sûr d’être un mari trompé, et il en était malheureux.

Combien de fois durant leurs huit années de bonheur conjugal, en regardant des femmes infidèles et des maris trompés, Alexis Alexandrovitch s’était-il dit : « Comment peut-on rester unis en ces circonstances ? Comment ne pas délier cette situation misérable ? » Et maintenant que le malheur s’abattait sur sa tête, non seulement il ne cherchait pas comment délier cette situation, mais il ne voulait à aucun prix la reconnaître. Il ne voulait pas la reconnaître précisément parce qu’elle était trop terrible, trop contre nature.

Depuis son retour de l’étranger, Alexis Alexandrovitch était venu deux fois à la campagne. Une fois il y avait dîné, l’autre fois il y avait passé la soirée avec des hôtes, mais il n’y avait pas couché une seule fois, comme il le faisait les années précédentes.

Le jour des courses était une journée très chargée pour Alexis Alexandrovitch, mais depuis le matin, arrangeant l’emploi de son temps, il avait décidé qu’aussitôt après le dîner, de bonne heure, il irait à la campagne chez sa femme, et de là aux courses où serait toute la cour et où il lui fallait paraître. Il irait chez sa femme parce qu’il avait décidé d’y aller une fois par semaine, par convenances ; ensuite, comme ce jour-là était le quinze, il devait lui remettre, comme d’habitude, l’argent