Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/168

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Serpoukhovskoï parut satisfait. Cette opinion, évidemment, lui était agréable, et il ne trouvait pas nécessaire de s’en cacher.

— Pour ma part, j’avoue franchement que j’ai surpassé mes espérances ; mais je suis heureux, très heureux : je suis ambitieux, c’est mon faible, pourquoi ne le pas dire ?

— Tu ne l’avouerais peut-être pas si tu avais moins de succès.

— Je ne pense pas, dit Serpoukhovskoï en souriant de nouveau. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que c’est l’unique raison d’être de l’existence, néanmoins, je reconnais que sans cela la vie serait fastidieuse. Je me trompe peut-être, je crois pourtant pouvoir dire que je suis doué d’aptitudes spéciales pour le genre d’activité que je me suis choisi et que le pouvoir entre mes mains, quel qu’il soit, sera mieux placé qu’entre celles de beaucoup de personnes que je connais ; c’est pourquoi je me sens d’autant plus heureux que je me vois plus proche du pouvoir, dit Serpoukhovskoï, et il était aisé de s’apercevoir qu’il avait conscience de sa valeur.

— Ce que tu dis là peut être vrai pour toi mais non pour tout le monde. J’étais de ton avis autrefois, mais depuis j’ai vécu et j’ai acquis la certitude qu’il y a autre chose dans la vie.

— Nous y voilà ! fit en riant Serpoukhovskoï. Je t’ai déjà dit que j’avais entendu parler de toi ; j’ai