Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/261

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Constantin, à quoi Nicolas aurait répondu sans hésitation : « Je le sais, je vais mourir, mais j’ai peur, j’ai horriblement peur ! » C’était là tout ce qu’ils se seraient dit s’ils avaient pu se parler à cœur ouvert. Mais une telle franchise n’était pas compatible avec les exigences de la vie, aussi Constantin s’efforcait-il de réaliser ce qu’il avait en vain toute sa vie tenté de faire, ce qu’il avait maintes fois remarqué que tant d’autres parvenaient si bien à faire, ce qui en un mot est si nécessaire dans la vie : il s’efforçait de cacher sa véritable pensée et ses sentiments réels, mais il n’était pas sans s’apercevoir que cette tactique n’échappait pas à son frère et il en éprouvait un vif dépit.

Le surlendemain de son arrivée, Nicolas, ayant poussé son frère à lui exposer ses nouveaux plans, se mit à l’en blâmer et alla même jusqu’à le traiter de communiste.

— Tu n’as fait que prendre la pensée d’un autre, mais cette pensée tu l’as déformée pour l’appliquer là où elle n’est pas applicable.

— Mais il s’agit de tout autre chose. Les communistes nient la légitimité de la propriété, du capital, de l’héritage, mais moi, je ne rejette pas des stimulants aussi puissants. (Lévine était honteux lui-même de faire usage de pareils mots, mais depuis qu’il avait entrepris son ouvrage, il employait de plus en plus souvent des mots étrangers). Mon seul but est de régulariser le travail.