Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/286

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— Oui, dit-elle, il y a déjà longtemps de cela. J’ai rêvé que je courais dans ma chambre à coucher pour y chercher quelque chose. Tu sais comme cela arrive dans les rêves, dit-elle en ouvrant de grands yeux terrifiés… Et dans un coin de la chambre j’apercevais quelque chose.

— Ah ! quelles sottises ! comment peut-on croire…

Mais elle ne se laissa pas interrompre. Ce qu’elle disait était trop important pour elle.

— Et ce quelque chose se retourna. Et je vis que c’était un paysan barbu, petit, effrayant. Je voulus m’enfuir, mais il se pencha sur son sac et y fouilla avec ses mains…

Elle fit le simulacre de fouiller dans un sac. L’horreur était peinte sur son visage. Et Vronskï, se rappelant son propre rêve, sentit la même horreur remplir son âme.

— Il fouilla et dit en français, très vite et en grasseyant : « Il faut le battre, le fer, le broyer, le pétrir. » Saisie de peur, je cherchai à m’éveiller, mais je rêvais tout éveillée ; je me demandais ce que cela signifiait, lorsque j’entendis Korneï, le valet, qui me disait : « Vous mourrez en couches, madame, vous mourrez en couches… » À ce moment, je m’éveillai.

— Quelles sottises ! Quelles folies ! dit Vronskï.

Mais lui-même sentait qu’il n’y avait aucune conviction dans sa voix.