Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/414

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que vous ne désiriez pas dire adieu à un homme qui a voulu se tuer pour vous…

— C’est précisément pour cela que je ne veux pas…

Alexis Alexandrovitch s’arrêta, effrayé comme un coupable, et voulut s’éloigner sans être aperçu. Mais après réflexion, trouvant que ce serait indigne, il revint sur ses pas, et, en toussotant, s’approcha de la chambre. Les voix se turent et il entra.

Anna, en robe de chambre grise, ses cheveux noirs coupés court sur sa tête ronde, était assise sur une chaise longue.

Comme toujours, à la vue de son mari, l’animation disparut tout à coup de son visage, elle baissa la tête et jeta un coup d’œil inquiet sur Betsy.

Celle-ci, habillée à la dernière mode, coiffée d’un chapeau qui planait au-dessus de sa tête, comme un petit abat-jour au-dessus d’une lampe, vêtue d’une robe bleue avec des rayures claires sur un côté du corsage et sur le côté opposé de la jupe, était assise à côté d’Anna. Elle se tenait très droite, la tête penchée, et accompagna d’un sourire ironique un bonjour à Alexis Alexandrovitch.

— Ah ! fit-elle l’air étonné. Je suis très heureuse de vous rencontrer chez vous. On ne vous voit plus nulle part et je ne vous ai pas aperçu depuis la maladie d’Anna. Je sais quels sont vos soins… Oui, vous êtes un mari admirable ! dit-elle d’un air à la fois important et tendre, comme si elle lui eût