Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/91

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— Oui, c’est mon cadet, dit le vieux avec un sourire tendre.

— Quel gaillard ! Il a l’air d’un bon garçon ! Est-il marié ?

— Oui, il y aura trois ans à la Saint-Philippe.

— A-t-il des enfants ?

— Des enfants ? Pendant une année, il a semblé n’y rien comprendre… Alors on s’est moqué… Mais quel foin ! reprit le vieux. Un vrai thé ! répéta-t-il, visiblement désireux de changer de conversation.

Lévine regarda plus attentivement Ivan Paraménov et sa femme. Non loin de là, ils arrangeaient une meule, lui, debout sur la charrette, attrapait d’énormes brassées de foin qu’il piétinait pour le tasser et que sa femme lui jetait d’abord à bout de bras puis avec la fourche. Celle-ci, agile et gaie, travaillait adroitement. Le gros foin ne s’enfourchait pas d’un coup. D’abord, elle le tassait, ensuite le prenant dans sa fourche d’un mouvement vigoureux et agile, s’appuyant de tout son corps, elle relevait le buste, avançait sa forte poitrine couverte d’une chemise blanche retenue par une ceinture rouge, soulevait lestement la fourche et lançait haut le foin dans la charrette. Ivan attrapait hâtivement le foin, s’efforçant, selon toute apparence, de lui épargner un travail superflu, et, écartant largement les bras, l’entassait dans la charrette. Quand elle lui eut jeté le reste du foin,