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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/155

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tinuaient de vivre à Moscou, que tous deux avaient en dégoût, uniquement parce que ces derniers temps il n’y avait pas d’accord entre eux.

L’irritation qui les séparait n’avait aucune cause extérieure et toutes les tentatives d’explication, loin de la faire disparaître, l’aggravaient. C’était une irritation intérieure dont la cause était : pour elle, la diminution de son amour ; pour lui, le regret de s’être mis pour elle dans une situation fausse qu’au lieu d’alléger elle rendait plus pénible encore.

Ni l’un ni l’autre ne donnait la raison de son animosité, mais ils se la reprochaient mutuellement et, à chaque occasion, tâchaient de se le prouver.

Pour elle, Vronskï, avec toutes ses habitudes, ses pensées, ses désirs, avec toute sa nature morale et physique, ne voyait qu’une chose : l’amour de la femme, et cet amour, d’après ses sentiments, devait être concentré sur elle seule. Cet amour faiblissait, elle en concluait qu’il devait en reporter une partie sur les autres femmes, ou sur une autre femme ; et elle en était jalouse. Elle était jalouse non d’une femme quelconque, mais de la diminution de son amour. Sa jalousie n’ayant pas d’objet, elle lui en cherchait un. À la moindre allusion elle transportait sa jalousie d’un objet à l’autre. Tantôt elle était jalouse de ces femmes dépravées, qu’en raison de ses relations parmi les célibataires, il pouvait facilement rencontrer ; tantôt elle l’était