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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/193

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— Je vais l’apporter… Mais il ne refuse pas… au contraire, Stiva a de l’espoir, dit Dolly s’arrêtant dans la porte.

— Je n’espère pas et je ne désire rien, dit Anna. « Quoi ! Est-ce que Kitty trouve humiliant pour elle de se rencontrer avec moi ? » pensa Anna restée seule. « … Peut-être a-t-elle raison ?… Mais ce n’est pas à elle, qui était amoureuse de Vronskï, de me le montrer… Je sais que dans ma situation, aucune femme honnête ne peut me recevoir… Je sais que dès le premier moment je lui ai sacrifié tout… et voilà la récompense ! Oh ! comme je le hais ! Je le hais ! Et pourquoi suis-je venue ici ? C’est encore pire, c’est encore plus pénible ! »

Elle entendit dans l’autre chambre les voix des sœurs qui causaient : « Que dirai-je maintenant à Dolly ? À quoi bon réjouir Kitty par mon malheur et me mettre sous sa protection ? Non… d’ailleurs Dolly ne comprend rien, et puis je n’ai rien à lui dire… Je serais seulement contente de voir Kitty et de lui montrer comme je méprise tout et tous, combien tout m’est égal. »

Dolly revint apportant la lettre. Anna la lut et la lui remit sans mot dire.

— Je savais tout cela, dit-elle, et cela ne m’intéresse nullement.

— Mais pourquoi ? Au contraire, j’ai de l’espoir, dit Dolly regardant Anna avec curiosité… Jamais elle ne l’avait vue dans cet état étrange,