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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/72

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exemple, cette fillette, je l’aime, je ne sais moi-même pourquoi.

De nouveau elle regarda Lévine, et son sourire, et son regard, tout lui disait que ses paroles s’adressaient à lui seul, qu’elle n’estimait que son opinion et qu’ils se comprenaient.

— Je vous comprends parfaitement, dit Lévine. Pour l’école, et, en général, pour les institutions de cette sorte, on ne peut agir avec son cœur, et c’est pourquoi, à mon avis, ces institutions philanthropiques donnent toujours de si maigres résultats.

Elle se tut, puis, souriant :

— Oui, oui, confirma-t-elle. Je ne pourrai jamais. Je n’ai pas le coeur assez large pour aimer un asile plein de fillettes très sales. Cela ne m’a jamais réussi. Il y a tant de femmes qui se sont fait de cela une position sociale. D’autant plus maintenant, ajouta-t-elle avec une expression de tristesse et de confusion, s’adressant en apparence à son frère, mais en réalité ne parlant qu’à Lévine. Même maintenant, alors que j’ai tant besoin d’une occupation quelconque, je ne puis pas. Et, tout à coup, elle fronça les sourcils (Lévine comprit qu’elle s’en voulait de parler d’elle-même) puis changea de conversation.

— Je sais, dit-elle à Lévine, que vous êtes un mauvais citoyen, et je vous ai toujours défendu autant que je l’ai pu.