Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces paroles impressionnèrent Avdieitch. Le jour même il s’en fut acheter un Nouveau Testament, en gros caractères, et se mit à le lire. Il voulait lire seulement pendant les fêtes. Mais une fois qu’il eut commencé, il ressentit un tel soulagement, qu’il prit l’habitude d’en lire chaque jour quelques pages. Parfois, sa lecture le captivait tellement, que tout le pétrole de sa lampe était consumé sans qu’il pût encore se détacher du livre.

Il lisait ainsi chaque soir ; et plus il lisait, plus il comprenait clairement ce que Dieu voulait de lui, et comment il faut vivre pour Lui. Et la joie emplissait de plus en plus son âme.

Jadis, avant de se coucher, il lui arrivait de soupirer, de gémir, en évoquant le souvenir de Kapitocha. Maintenant il se contentait de dire : « Gloire à toi ! Gloire à toi, mon Dieu ! C’est ta volonté. »

À dater de cette époque, la vie d’Avdieitch changea du tout au tout. Auparavant, il lui arrivait, les jours de fête, d’entrer au débit, de boire du thé, et même un verre d’eau-de-vie. Il se laissait aller avec un ami, et sortait du débit, non pas ivre, mais un peu gai, et il se mettait à dire des insanités, à apostropher et injurier les passants.

Mais tout cela était fini : sa vie, maintenant, s’écoulait calme et heureuse. Il se mettait à l’ouvrage avec le jour, faisait sa besogne, puis décrochait sa lampe, la posait sur la table, prenait son livre sur la planche, l’ouvrait et lisait. Et plus il lisait,