Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/459

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mais si j’ai le malheur de croire légitimes les exigences de ma raison, si je ne renonce pas à elles pour croire en la doctrine de l’Église, je suis perdu. De plus, si même je crois à tout, mais n’ai pas la possibilité de communier, et que mes parents, par négligence, ne prient pas pour moi, je puis tomber en enfer et y rester.

Le sens de ma vie, selon cette doctrine, est l’insanité la plus complète, bien pire que celle qui m’était représentée à la lumière de ma raison seule. Alors je voyais que je vivais, et tant que je vivais je jouissais de la vie. Je mourrai et ne sentirai plus rien. Alors j’étais effrayé de l’insanité de ma vie personnelle, de l’insolubilité de la question : pourquoi mes aspirations, pourquoi ma vie, quand tout cela doit prendre fin ? Mais maintenant c’est encore pire. Tout cela ne se terminera pas et toute cette insanité, qui est le caprice de quelqu’un, durera éternellement.

À ma question : Comment dois-je vivre ? Cette doctrine répond en niant toutes mes exigences morales et m’impose ce qui me parut toujours la chose la plus immorale au monde — l’hypocrisie. De toutes les applications morales des dogmes découle une seule chose : Sauve-toi dans la foi. Si tu ne peux comprendre ce que l’on t’ordonne de croire, dis cependant que tu crois. Affirme par toutes les forces de ton âme le besoin de lumière et de vérité. Dis que tu crois et fais ce qui découle