Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/53

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Dieu exclusif, unique, des Juifs, et l’on y trouve déjà la discussion non contre les hérétiques, mais contre la science contemporaine. L’opinion de la science contemporaine : que les Juifs ne comprenaient pas Dieu comme les croyants le comprennent maintenant, qu’ils ne connaissaient même pas un Dieu unique, est qualifiée, « calomnie manifeste et téméraire : »

« Après tous ces témoignages, c’est une calomnie manifeste et téméraire que de soutenir, comme on le fait, qu’il y a, dans l’Ancien Testament, des traces de la doctrine du polythéisme, et que le Dieu des Juifs, d’après leurs livres sacrés, n’était qu’un des dieux existants, Dieu national semblable aux dieux des autres nations de cette époque. À l’appui de la première de ces idées, ils citent les passages de l’Écriture Sainte où Dieu est appelé Elohim (les dieux, de Eloah, Dieu) au pluriel, et où il est représenté disant : « Faisons l’homme à notre image » (Gen., i, 26). « Faisons-lui (à Adam) une aide semblable à lui. » (Ibid., i, 18). Mais d’abord comme ce même Moïse, dont les livres renferment ces passages, prêche si souvent et si clairement l’unité de Dieu, article capital de toute la législation de Sinaï, comme il appelle directement tous les dieux du paganisme, de vaines divinités, des idoles, et qu’il fait tous ses efforts pour empêcher les Juifs de les suivre (Lév., xvii, 7 ; Deut., xxxii, 21, et autres), il est certain que, dans les passages cités, il ne pouvait, se contredisant lui-même, enseigner clandestinement le polythéisme ; on est donc forcé de convenir, avec les Saints Pères de l’Église, que, si Dieu est effectivement représenté ici, au pluriel, il faut en déduire non pas la pluralité des dieux, mais celle de la pluralité des personnes divines en un seul et même Dieu, c’est-à-dire qu’il y a ici allusion au mystère de la Très-Sainte-Trinité » (p. 99-109).