Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/62

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« On sait enfin que les païens personnifiaient toutes les passions humaines et en faisaient autant de divinités ; quant à nous, nous ne personnifions plus les passions pour les diviniser, car nous savons ce qu’elles valent ; cependant, hélas ! il arrive souvent à des chrétiens de rendre à leurs passions une espèce de culte, bien qu’eux-mêmes, ils ne s’en doutent pas le moins du monde. Celui-ci s’est si fort adonné à la gourmandise, et en général aux voluptés des sens, que, suivant l’expression de l’Apôtre, il fait son Dieu de son ventre (Ps., iii, 19) ; celui-là est tellement préoccupé du soin de s’amasser des richesses, il veille à leur conservation avec tant d’amour, que son avarice ne peut en vérité être désignée autrement que du nom d’idolâtrie (Col., iii, 5) ; cet autre est si entiché de ses mérites et de ses avantages, réels ou imaginaires, et il les porte si haut, qu’il s’en forme en quelque sorte une idole, qu’il adore lui-même et pour laquelle il exige d’autrui la même adoration, (Dan., iii). En un mot, chaque passion, chaque attachement pour quelque objet que ce soit, fût-il distingué par son importance et sa noblesse, dès que nous nous y livrons au point d’oublier Dieu et de contrevenir à ses commandements, devient pour nous un nouveau Dieu, ou une idole que nous servons ; et tout chrétien doit conserver fermement en mémoire qu’une idolâtrie de ce genre est incompatible avec le service du seul vrai Dieu, selon ces paroles du Sauveur : « Nul ne peut servir deux maîtres… Vous ne pouvez servir Dieu et les richesses. » (Matth., vi, 24).

Quoi ? Que signifie cela ? Qu’a-t-on dit, et quel rapport cela a-t-il avec l’unité de Dieu ? Comment cela en découle-t-il ? Il n’y a pas, il ne peut y avoir aucune réponse :

« Seconde leçon, concernant notre rapport avec le prochain. En croyant au seul vrai Dieu, de qui nous avons tous reçu l’existence, « en qui nous avons la