Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/163

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trouve un sage qui leur dit : Frères ! ce que nous faisons est mal. Voyez quelle abondance et comme tout est bien ordonné ! Il y a ici assez de biens pour nous tous et pour ceux qui viendront après nous, seulement il faut en user raisonnablement. Ne nous arrachons pas ces richesses, mais prêtons-nous mutuellement secours. Labourons, semons, soignons le bétail et tout le monde sera satisfait. Il arriva que certains comprirent ce que disait le sage, et ceux-ci commencèrent à agir de la façon suivante : ils cessèrent de se battre, de s’arracher les choses par la violence et se mirent à travailler. Mais d’autres, qui n’avaient pas entendu les paroles du sage ou qui n’y croyaient pas, continuaient de se battre après avoir gaspillé le bien du maître. D’autres survinrent et il en fut de même. Ceux qui avaient suivi les paroles du sage répétaient : Ne vous battez pas, ne gaspillez pas le bien du maître, vous ne vous en trouverez que mieux. Faites comme l’a dit le maître. Mais il y avait toujours beaucoup de gens qui ne s’en souciaient pas. On raconte qu’il arriva un temps où tout le monde dans la ferme entendit et comprit les paroles du sage et reconnut que Dieu avait parlé par sa bouche, et que le sage lui-même était Dieu en personne, et tous, tenant ses paroles pour sacrées, eurent foi en elles. Mais on raconte qu’après tout cela, au lieu de vivre selon les conseils du sage, personne ne se contint plus : on se mas-