Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/32

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pouvais-je dire que les règles de la vie, qu’il a formulées clairement et simplement pour tout le monde, sont difficiles à pratiquer, même impossibles, sans un secours surnaturel ? Non seulement il n’a pas dit cela, mais il a formellement déclaré que celui qui ne les pratiquerait pas n’entrerait pas dans le royaume de Dieu. Il n’a même jamais dit que la pratique en serait pénible ; au contraire, il a dit : Mon joug est doux et mon fardeau léger ; et Jean l’Évangéliste a dit : Ses commandements ne sont point pénibles. Puisque Dieu déclare que sa loi est facile à pratiquer, puisqu’il l’a pratiquée lui-même, comme homme, ainsi que ses premiers disciples, comment, encore une fois, pouvais-je dire qu’il est difficile de la mettre en pratique, qu’il est même impossible de le faire sans secours surnaturel ?

Si un homme mettait en jeu toutes les ressources de son intelligence pour ruiner une loi quelconque, que pourrait-il dire de plus redoutable sinon que cette loi est essentiellement impraticable sans secours surnaturel, que le législateur lui-même la jugeait ainsi ? C’est exactement ce que je pensais du commandement de la non résistance au mal. Je tâchai de me rappeler comment et quand m’entra en tête cette singulière idée que la loi du Christ est divine mais ne peut être mise en pratique. En analysant mon passé, je me rendis compte que cette idée ne m’avait jamais été com-