Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/53

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qu’on leur attribue est tellement admise, les tribunaux siègent avec tant d’assurance et d’audace dans tous les pays chrétiens, avec l’appui même de l’Église, que longtemps encore je doutai de la justesse de mon interprétation. « Si tous les hommes ont pu penser ainsi et instituer des tribunaux chrétiens, ils avaient certainement quelque raison pour cela, et c’est toi qui es dans l’erreur, me disais-je. Il doit y avoir des raisons pour lesquelles ces paroles ont été comprises dans le sens de médisance, et il y a certainement un fondement quelconque à l’institution des tribunaux chrétiens. » Et je m’adressai aux commentaires de l’Église. Dans tous, à dater du ve siècle, je trouvai qu’il faut entendre par ces mots la médisance. Mais alors comment ne pas juger ? Il est impossible de ne pas blâmer le mal. C’est pourquoi tous les commentaires s’attardent à discuter ce qui est blâmable et ce qui ne l’est point. Les uns disent que, pour les serviteurs de l’Église, on ne saurait leur défendre de juger, puisque les apôtres eux-mêmes jugeaient (Chrysostome, Théophilacte). Les autres disent que, sans doute, Christ visait par cela les Juifs, qui accusaient le prochain de petites fautes alors qu’eux-mêmes commettaient de grands péchés.

Mais nulle part il n’est fait mention des institutions humaines, ni des tribunaux. Christ les interdit-il ou non ? À cette question naturelle il n’y a