Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol28.djvu/63

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ANICIA

J’ai trempé dedans le bout de ma langue ; c’était légèrement amer. Lui, il les a prises dans le thé et il a dit : — Même le thé me dégoûte ! Et moi je lui ai dit : — Tout paraît amer aux malades. Oh ! ma tante, ce que je me sentais mal à l’aise !

MATRIONA

N’y pense pas ! Quand on y pense, c’est pire !

ANICIA

Tu aurais mieux fait de ne pas me les donner et de ne pas m’induire en péché. Quand je me souviens, cela m’arrache le cœur. Pourquoi me les as-tu données ?

MATRIONA

La ! la ! la ! ma fraise, que Dieu te garde ! Pourquoi tout rejeter sur moi ? Ne va pas faire passer tes idées pour les miennes ! S’il arrive quoi que ce soit, je m’en lave les mains. Je ne sais rien de rien. Je baiserai la croix et je jurerai que je n’ai pas vu les susdites poudres. Je n’en ai même pas entendu parler. Penses-y bien, ma fille ! Dernièrement, nous causions de toi : — Comme elle doit souffrir, la pauvre ! Une belle-fille qui est bête, un homme qui est pourri, une vraie emplâtre ! Que faire de bon avec une vie pareille ?

ANICIA

Mais, moi, je ne m’en dédirai pas ! Avec l’existence que je mène, non seulement il y a de quoi