Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/199

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sans changer de forme, comment se tendaient les muscles de ses bras forts aux manches retroussées ; comment avec colère elle lançait la pelle ; et comment ses yeux noirs, profonds, le regardaient parfois. Bien que ses fins sourcils se fronçassent, ses yeux exprimaient le plaisir et la conscience de sa beauté.

— Quoi, Olénine, êtes-vous levé depuis longtemps ? — dit Bieletzkï, vêtu de l’uniforme des officiers du Caucase, en entrant dans la cour et s’adressant à Olénine.

— Ah, Bieletzkï ! — répondit Olénine en lui tendant la main. — Comment êtes-vous là de si bonne heure ?

— Que faire ! On m’a chassé. Chez moi il y a bal aujourd’hui. Marianka, tu viendras chez Oustenka ? — demanda-t-il à la jeune fille. Olénine s’étonnait que Bieletzkï pût se conduire si familièrement envers cette femme. Mais Marianka, comme si elle n’entendait pas, inclina la tête, et, jetant sa pelle sur l’épaule, de son allure décidée, masculine, entra dans la cabane.

— Elle est confuse, la mignonne, elle est gênée à cause de vous, — dit Bieletzkï quand elle eut disparu. Et en souriant gaîment il courut au perron.

— Comment, un bal chez vous ? Qui vous a chassé ?

— Il y a bal chez ma propriétaire Oustenka et vous êtes invité ; le bal, c’est-à-dire un pâté et une réunion de jeunes filles.