Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/359

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Charmant ! — répondit en grasseyant le major. Et cravachant son cheval, il s’approcha du général. — C’est un vrai plaisir que la guerre dans un aussi beau pays, — dit-il.

Et surtout en bonne compagnie, — ajouta le général avec un sourire agréable.

Le major s’inclina.

À ce moment, un boulet ennemi vola avec un sifflement rapide, désagréable et frappa quelque chose. On entendit en arrière les gémissements d’un blessé. Ce gémissement me frappa si étrangement que pour moi le tableau guerrier perdit immédiatement tout son charme. Mais personne, sauf moi, ne parut le remarquer. Le major, à ce qu’il semblait, riait avec plus d’entrain encore ; l’autre officier répétait tout tranquillement les mots commencés de la conversation ; le général regarda du côté opposé et, avec le sourire le plus tranquille, prononça une phrase en français.

— Vous donnez l’ordre de répondre à leurs coups ? — demanda en sautillant le chef de l’artillerie.

— Oui, effrayez-les, — répondit négligemment le général en allumant un cigare.

La batterie s’avança et commença la canonnade. La terre gémissait des coups, le feu brillait sans cesse, et la fumée, dans laquelle on distinguait à peine les servants qui s’agitaient autour de leurs pièces, emplissait les yeux.