Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/185

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Devant la porte se pressait la foule animée des jurés et des avocats, heureux d’en avoir fini, de sorte que Nekhludov dut attendre quelques minutes avant de pouvoir quitter la salle. Quand il se trouva dans le couloir, elle était déjà loin. Il courut dans sa direction sans se soucier de l’attention qu’il provoquait, et ne s’arrêta qu’après l’avoir rejointe. Elle ne pleurait plus, mais laissait échapper de gros sanglots entrecoupés, tout en essuyant, du coin de son fichu, son visage rougi. Elle passa devant lui sans se détourner. Il la laissa passer puis s’en retourna hâtivement pour voir le président du tribunal. Celui-ci était déjà parti, et Nekhludov ne le joignit qu’à la loge du portier.

— Monsieur le président, lui dit Nekhludov, comme il endossait son pardessus clair et recevait des mains du portier sa canne à pomme d’argent, pourrais-je vous entretenir un moment de l’affaire que l’on vient de juger. Je suis membre du jury.

— Mais, comment donc, prince Nekhludov ? Très heureux… Nous nous sommes déjà rencontrés, — répondit le président avec une poignée de main, se rappelant avec plaisir un bal auquel lui-même avait dansé avec plus d’entrain que les jeunes gens, et où se trouvait Nekhludov. — En quoi puis-je vous servir ?

— Notre réponse concernant Maslova tient à un malentendu. Elle est innocente de l’empoisonnement, et on l’a condamnée aux travaux forcés, —