Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/200

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— Il vous est arrivé quelque chose, je le vois, — dit-elle, — qu’avez-vous ?

Il se rappela sa rencontre de la cour d’assises, fronça les sourcils et rougit.

— Oui, répondit-il, ne voulant pas mentir, et quelque chose d’étrange, d’extraordinaire.

— Quoi donc ? Vous ne pouvez pas me le dire ?

— Non, pas à présent. Permettez-moi de n’en rien dire. Il m’est arrivé une chose à laquelle je dois réfléchir encore, — ajouta-t-il en rougissant de plus en plus.

— Et vous ne me le direz pas ?

Un muscle de son visage se contracta, et elle repoussa le dossier de la chaise.

— Non, je ne le puis pas, — dit-il, sentant que par cette réponse à elle, il se répondait à soi-même, et reconnaissait la gravité de ce qui lui était arrivé.

— C’est bien, alors, venez.

Elle secoua la tête comme pour chasser d’importunes pensées, et reprit plus rapidement sa marche. Il crut remarquer qu’elle faisait un effort pour retenir des larmes. Il se sentit honteux et peiné de l’attrister, mais il savait que la moindre faiblesse pouvait le perdre, c’est-à-dire le lier à jamais. Or, aujourd’hui surtout, c’était ce qu’il redoutait le plus, et, silencieux, il l’accompagna jusqu’à la chambre de la princesse.