Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/208

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Alexéïevna, en jouant sur les mots, sans prendre garde à la gravité de Nekhludov.

— Rien n’est pire que de se dire qu’on n’est pas entrain, — dit Missy. — Moi, je ne me l’avoue jamais, aussi suis-je toujours entrain. Allons, suivez-moi. Nous allons essayer de chasser votre mauvaise humeur.

Nekhludov éprouva le sentiment que doit éprouver un cheval quand on le caresse pour le brider et l’atteler. Il n’avait jamais encore eu si peur de se laisser atteler. Il s’excusa, prétextant qu’il avait besoin de rentrer chez lui, et se prépara à prendre congé.

Missy lui retint la main plus longtemps qu’à l’ordinaire.

— N’oubliez pas que ce qui est grave pour vous, l’est au même titre pour vos amis, — dit-elle — Vous viendrez demain ?

— Je ne le pense pas, — répondit Nekhludov ; et, pris de honte, (il ne savait si c’était pour lui ou pour elle), il rougit et s’empressa de sortir.

— Que signifie cela ? Comme cela m’intrigue, — dit Catherine Alexéïevna, quand Nekhludov fut parti. — Je le saurai. Quelque affaire d’amour-propre, il est très susceptible, notre cher Mitia.

« Plutôt une affaire d’amour sale », pensa, mais sans le dire, Missy, qui regardait devant elle d’un air sombre, tout différent de celui qu’elle avait en présence de Nekhludov ; mais n’osant pas ris-