Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/212

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était représentée en robe de velours noir, la gorge découverte. L’artiste, cela se voyait, avait mis tous ses soins à bien peindre la naissance des seins, leur écartement, le cou et les épaules splendides. Aujourd’hui, il trouvait cela honteux : et dégoûtant. Il fut effrayé de ce qu’il y avait de repoussant et de sacrilège dans cette figure de sa mère, en beauté demi-nue ; et c’était d’autant plus choquant qu’ici même, trois mois auparavant, la même femme s’était étendue sur un divan, desséchée comme une momie et néanmoins dégageant une odeur que rien ne parvenait à masquer et qui empestait non seulement cette chambre, mais toute la maison. Et il lui semblait sentir encore cette odeur. Il se souvint que la veille de sa mort, elle lui avait pris sa main blanche et forte dans ses pauvres mains décharnées et noirâtres, l’avait regardé dans les yeux et lui avait dit : « Ne me juge pas, Mitia, si je n’ai pas fait ce qu’il fallait », et que, de ses yeux ternis par la souffrance, des larmes avaient coulé. « Quel dégoût ! » se dit-il encore en face du portrait où sa mère, avec un sourire triomphant, montrait ses admirables épaules et ses bras de marbre. La nudité de cette poitrine, sur ce portrait, lui fit songer à une autre jeune femme, qu’il avait vue aussi nue ces jours derniers. C’était Missy qui avait inventé un prétexte quelconque pour le faire venir un soir chez elle et se montrer à lui en toilette de bal. Et, avec une vraie répu-