Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conjurer la honte dont elle était menacée et elle se mit à servir les vieilles demoiselles comme à regret et très mal, et une fois, elle ne savait elle-même comment cela était arrivé, tout d’un coup, elle s’emporta, devint insolente envers les demoiselles, ce dont elle se repentit ensuite ; puis elle-même demanda à s’en aller. Les demoiselles, très mécontentes, la laissèrent partir. Elle entra alors comme femme de chambre chez un agent de police rurale, mais elle n’y put rester que trois mois, car l’agent de police, un vieillard de cinquante ans, s’empressa de lui faire la cour ; et, un jour qu’il s’était montré plus entreprenant encore, elle se fâcha, le traita d’imbécile et de vieux diable et le poussa si violemment dans la poitrine qu’il tomba. On la congédia pour son impertinence. Elle ne pouvait plus songer à chercher une autre place, car le terme de sa grossesse approchait ; elle entra en pension chez une veuve qui tenait un cabaret et était en même temps sage-femme. L’accouchement fut facile. Mais la sage-femme, ayant dû se rendre au village auprès d’une paysanne malade, en rapporta la fièvre puerpuérale à Katucha ; quant à l’enfant, un garçon, on dut l’envoyer dans un asile, où, comme le raconta la vieille femme qui l’y conduisit, il mourut aussitôt arrivé.

Quand Katucha s’installa chez la sage-femme elle possédait cent vingt-sept roubles : vingt-sept gagnés par elle, et cent roubles que lui avait don-