Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était rouge, taché, ses yeux grands, noirs, très écartés, ses lèvres grosses et courtes, relevées sur une rangée de dents blanches, proéminentes. Elle éclatait de rire à ce qui se passait dans la cour. Cette femme, qu’on avait surnommée « La Belle », avait été condamnée pour vol et incendie. Derrière était une femme enceinte, au ventre énorme, vêtue d’une chemise grise très sale, à la mine pitoyable : maigre, veineuse. Elle restait là, muette, souriant parfois, d’un air approbateur et attendri, de ce qui se passait dans la cour. La quatrième détenue, de taille petite, forte, aux yeux saillants et l’air bonasse, avait été condamnée pour vente clandestine d’eau-de-vie. Elle était la mère du garçonnet qui jouait avec la vieille, et d’une fillette de sept ans, autorisés à partager sa prison, parce qu’on n’avait su à qui les confier. Elle aussi regardait par la fenêtre, mais sans cesser de tricoter son bas, et fermait les yeux, semblant désapprouver ce que disaient les prisonniers qui passaient dans la cour. Quant à la petite fille de sept ans, aux cheveux blond filasse, en désordre, elle se tenait accrochée de sa petite main maigre au jupon de sa mère, le regard fixe, et écoutait attentivement les jurons échangés entre les femmes et les prisonniers, les répétant à voix basse, comme si elle les eût appris par cœur. Enfin la douzième détenue était la fille d’un sacristain. Elle avait noyé son nouveau-né dans un puits.