Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/268

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largement cernés. À la vue d’un jeune homme élégamment mis, elle s’adoucit :

— Entrez, s’il vous plaît : que désirez-vous ?

— Je voudrais voir une femme, en prison ici.

— Une détenue politique, sans doute ?

— Non, pas politique. J’ai un laissez-passer du procureur.

— Je ne sais rien. Mon père n’est pas là. Mais entrez, je vous prie, — l’invita-t-elle de nouveau. — Ou bien, adressez-vous au sous-directeur. Il doit être au bureau et vous renseignera… Quel est votre nom ?

— Je vous remercie, — dit Nekhludov, éludant sa question, et il sortit.

À peine avait-il refermé la porte derrière lui que retentirent les mêmes sons joyeux, bruyants et gais, peu en harmonie avec le lieu et l’aspect pitoyable de la jeune fille, qui s’y attachait avec tant d’opiniâtreté. Dans la cour, Nekhludov rencontra un jeune officier, la moustache en croc, et lui demanda où il pourrait trouver le sous-directeur. C’était précisément lui-même. Il prit le laissez-passer, y jeta les yeux, et déclara que la mention visant seulement la maison de détention préventive, il ne pouvait prendre sur soi d’en reconnaître la validité pour celle-ci.

— Du reste, il est trop tard. Revenez demain, s’il vous plaît. À dix heures tout le monde peut rendre visite aux détenus. Venez ; le directeur lui-