Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/298

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Nekhludov aperçut avec surprise un grand crucifix.

« À quoi bon ? » songea-t-il, unissant involontairement dans sa pensée l’image du Christ avec des hommes libres, et non avec des prisonniers.

Nekhludov marchait lentement, laissant s’écouler devant lui le flot pressé des visiteurs, et il éprouvait à la fois un sentiment d’horreur devant les malfaiteurs enfermés ici et de pitié pour les innocents, tels que le jeune garçon accusé la veille et Katucha, enfermés en leur compagnie, et un sentiment de gêne et d’attendrissement à la pensée de l’entrevue qu’il allait avoir. À l’autre extrémité de la salle, un gardien disait quelque chose. Mais, plongé dans ses réflexions, Nekhludov ne l’entendit pas et continua de suivre le groupe le plus nombreux, c’est-à-dire qu’il se dirigea vers le parloir des hommes, alors qu’il devait se rendre à celui des femmes.

Se laissant devancer, il entra dans le parloir le dernier de tous. Tout d’abord il fut frappé d’un bruit assourdissant, mélange de centaines de voix, criant toutes en même temps. Il ne comprit la cause de ce tapage qu’arrivé au milieu de la salle, où, pareille à un essaim de mouches sur un morceau de sucre, la foule des visiteurs se pressait devant un grillage qui séparait la salle en deux. Ce grillage était double, allant du plafond jusqu’au sol, et divisait la salle par moitié. Dans l’intervalle circulaient les sur-