Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/330

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était entrée d’un pas rapide. C’était la femme de l’avocat, qui, évidemment, n’était pas du tout triste de sa laideur. Elle était mise non seulement d’une façon extraordinairement originale — couverte de soie et de velours de couleurs vives, jaune et vert, — mais la frisure de ses cheveux clairsemés était très compliquée. Triomphalement elle avait fait irruption dans le salon d’attente, accompagnée d’un long monsieur souriant, au visage terreux, en redingote à revers de soie et cravate blanche. C’était un écrivain et Nekhludov le connaissait de vue.

— Anatole, — dit-elle, en entre-bâillant la porte, — viens. Voici Sémen Ivanovitch qui veut nous lire une de ses poésies, et toi tu nous liras ton essai sur Garchine.

Nekhludov voulut se retirer ; mais après avoir échangé quelques mots à voix basse avec son mari, la dame se tourna vers lui :

— Je vous prie, prince. Je vous connais et crois toute présentation inutile ; faites-nous le plaisir d’assister à notre matinée littéraire. Ce sera très intéressant. Anatole lit à la perfection.

— Vous voyez combien mes occupations sont variées, — dit Anatole en souriant ; et un geste désignant sa femme montra qu’on ne pouvait rien refuser à une créature aussi séduisante.

Très poliment mais froidement, Nekhludov remercia la femme de l’avocat du grand honneur,