Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’avait frappé jusqu’au sang. Le lendemain le feu avait pris dans la grange du cabaretier. Lui et sa mère avaient été accusés, mais ce jour-là il ne pouvait avoir mis le feu puisqu’il était chez son compère.

— Et, c’est vrai, que tu n’as pas mis le feu ?

— Je n’y ai même pas pensé, monsieur. C’est lui, pour sûr, le brigand, qui a mis le feu. On a dit qu’il venait de faire assurer sa maison. Et voilà qu’on nous a accusés, ma mère et moi, de l’avoir menacé de l’incendie. Oui, c’est vrai que je l’ai injurié ce jour-là, mon cceur n’y tenait plus. Mais pour avoir mis le feu, non, je ne l’ai pas mis. Je n’étais même pas là quand il a pris. C’est lui qui a mis le feu pour toucher la prime et qui nous a accusés ensuite.

— Est-ce possible ?

— Oui, monsieur, c’est vrai ; je le dis devant Dieu, monsieur. Soyez mon père ! — s’écria-t-il, voulant saluer jusqu’à terre ; mais Nekhludov l’en empêcha. — Ayez pitié de moi, je péris pour rien, dit-il. Et soudain, ses lèvres tremblèrent, et il se mit à pleurer, puis il retroussa la manche de sa capote et essuya ses yeux avec celle de sa chemise sale.

— Vous avez terminé ? — demanda le sous-directeur.

— Oui. Ne vous découragez pas, nous ferons tout le possible, — dit Nekhludov ; et il sortit.