Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/389

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— Messieurs ! je vous en prie, je vous en prie. Ne m’obligez pas à sévir, — répétait le directeur. — Je vous en prie, — poursuivit-il d’un ton faible, indécis. — Qu’est-ce que cela veut dire. L’heure est passée depuis longtemps. C’est impossible, je vous avertis pour la dernière fois, — répéta-t-il d’un ton mélancolique en éteignant et rallumant tour à tour sa cigarette de maryland. Si spécieux, si habituels que fussent les arguments qui donnent licence à un homme de faire souffrir d’autres hommes, sans s’estimer responsable de cette souffrance, on sentait que le directeur avait pourtant conscience d’être un des fauteurs de la douleur qui régnait dans cette salle ; et, évidemment, il en était très peiné.

Enfin, prisonniers et visiteurs commencèrent à se séparer : les uns se dirigèrent vers la porte intérieure, les autres vers la porte du dehors. Les hommes aux vestes de caoutchouc : le phtisique et le brun chevelu, s’éloignèrent ; puis Maria Pavlovna avec le petit, né en prison.

Puis ce fut le tour des visiteurs. Le vieillard aux lunettes bleues s’en alla, de sa démarche lourde, et Nekhludov le suivit.

— Oui, ce sont des procédés bien extraordinaires, — lui dit dans l’escalier le jeune homme loquace, comme s’il continuait une conversation interrompue. — Heureusement que le capitaine est un brave homme et ne prend pas à la lettre les