Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/99

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même été, le jour de l’Ascension, les tantes reçurent la visite d’une dame voisine, accompagnée de ses enfants : deux jeunes filles, et un fils, lycéen ; plus un jeune peintre, paysan d’origine, qui se trouvait chez elle.

Après le thé les jeunes gens décidèrent de jouer à courir sur un pré dont l’herbe avait été fauchée, et qui s’étendait devant la maison. Katucha ayant été invitée à prendre part au jeu, à un moment donné, Nekhludov eut à courir avec elle. Il avait toujours du plaisir à voir Katucha, mais il ne lui venait pas à l’esprit qu’entre elle et lui pût s’établir aucune relation particulière.

— Ces deux là on ne les rejoindrait jamais, — dit le peintre joyeux, qui pourtant courait fort bien, avec ses jambes de paysan, courtes et un peu cagneuses, mais puissantes ; — seulement il ne faut faire de faux pas.

— Oui, vous ne nous rattraperez pas !

— Un, deux, trois !

On donna le signal en frappant trois fois des mains. Retenant à peine son rire, Katucha changea de place avec Nekhludov, lui serra la main dans sa petite main nerveuse et s’élança légèrement sur la gauche, faisant entendre le froissement de son jupon empesé.

Nekhludov lui aussi courait bien, et comme il ne tenait pas à se laisser attraper par le peintre, il s’élança de toute sa vitesse. Quand il se retourna