Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jugement de première instance. Nekhludov se mit à écouter, s’efforçant de comprendre ce qui se passait devant lui. Mais, ici, de même qu’à la Cour d’assises, pour lui le plus difficile à comprendre c’était qu’on discutait non sur le fond mais sur les circonstances accessoires. La cause de ce procès était un article de journal dénonçant les escroqueries du président d’une société anonyme. L’essentiel, semblait-il, était de savoir si, réellement, le président de cette société volait ses actionnaires et comment, et dans ce cas d’y mettre fin. Mais de cela pas un mot. Il n’était question que de savoir si le gérant du journal avait le droit, selon la loi, d’imprimer l’article du rédacteur, et quel crime : diffamation ou calomnie, il avait commis en l’imprimant, et encore : en quoi la diffamation comprend-elle la calomnie et la calomnie, la diffamation, et une foule d’autres choses peu intelligibles pour les profanes, sur quantité d’articles et d’arrêts d’une chambre quelconque du Sénat.

La seule chose que comprenait Nekhludov c’était que Wolff, rapporteur de l’affaire, qui la veille lui avait fait entendre si sévèrement que le Sénat n’avait jamais à juger sur le fond, dans cette affaire, avec un parti pris évident, s’évertuait à faire casser le jugement de la Cour d’appel ; tandis que Sélénine, si froid d’ordinaire, soutenait avec autant d’ardeur la thèse contraire. Cette