Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/165

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tuner. Le président donna aussitôt la parole au substitut du procureur général. Sélénine se borna à déclarer brièvement, mais avec netteté et précision, que les divers motifs de cassation invoqués étaient mal fondés et que le pourvoi devait être rejeté. Les sénateurs se levèrent et se retirèrent pour délibérer. Dans la chambre des délibérations les voix furent partagées. Wolff insistait en faveur de la cassation. Bé, ayant compris exactement l’affaire, exprimait chaleureusement la même opinion, et représentait à ses collègues l’erreur des jurés, telle qu’il la comprenait. Nikitine, toujours partisan de la sévérité, en général, et des formes, en particulier, s’opposait à la cassation. Ainsi tout dépendait de Skovorodnikov. Celui-ci s’opposa à la cassation principalement parce que la résolution de Nekhludov d’épouser cette fille heurtait au plus haut point ses principes moraux.

Skovorodnikov était matérialiste, darwiniste ; toute manifestation du sentiment du devoir abstrait, et surtout du sentiment religieux, le choquait comme une méprisable sottise et presque comme une injure personnelle. Toute cette aventure avec cette prostituée, la présence au Sénat du célèbre avocat chargé de sa défense, et celle de Nekhludov lui-même, tout cela lui répugnait au plus haut degré. C’est pourquoi tout en mâchonnant sa barbe et feignant avec un naturel parfait