Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

culièrement gravé dans sa mémoire, étaient pourris et défoncés ; il n’en restait plus que la carcasse ; à quelques fenêtres, des planches remplaçaient les vitres ; le pavillon dans lequel vivait l’intendant, la cuisine, les écuries, tout était vieux et gris. Le jardin seul n’était pas abîmé ; il avait poussé, épaissi, et il était tout en fleurs ; derrière la haie, on voyait, comme de grands nuages blancs, les branches fleuries des cerisiers, des pommiers, des pruniers. Le massif de lilas était fleuri comme douze années auparavant, le jour où Nekhludov, jouant à courir avec Katucha, alors dans sa seizième année, était tombé et s’était piqué aux orties. Un mélèze planté près de la maison par Sophie Ivanovna, et qu’il avait vu haut comme un pieu, était maintenant un grand arbre, bon pour une poutre, tout revêtu d’une mousse veloutée, verte et jaune. La rivière coulait entre ses rives, écumant avec bruit à l’écluse du moulin. Derrière la rivière, le bétail rassemblé du village paissait dans la prairie. Le gérant, un séminariste qui n’avait pas terminé ses études, vint en souriant au-devant de Nekhludov, dans la cour ; sans cesser de sourire, il l’invita à entrer au bureau, comme si, par son sourire, il lui réservait une surprise ; puis il se retira derrière la cloison, où Nekhludov entendit des chuchotements, puis tout se tut. Le cocher repartit dans un tintement de grelots, après avoir reçu son pourboire, et un silence complet s’établit. Une