Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/271

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chaussés et balançant leur bras libre comme pour se donner courage. Ils étaient si nombreux, si semblables, les conditions dans lesquelles ils se trouvaient étaient si particulières et singulières qu’ils apparaissaient à Nekhludov non comme des hommes, mais comme des êtres quelconques, particuliers, effrayants. Cette impression ne disparut en lui qu’en apercevant, dans le groupe des forçats, un prisonnier, l’assassin Fédorov, et aussi, parmi les déportés, le comique Okhotine, qu’il connaissait, et un autre condamné qui s’était adressé à lui. Presque tous les prisonniers jetaient un regard sur la voiture qui les dépassait et sur le monsieur, assis dedans, qui les examinait. Fédorov inclina la tête pour montrer à Nekhludov qu’il l’avait reconnu ; Okhotine lui fit signe de l’œil. Mais ni l’un ni l’autre ne le saluèrent, croyant que cela n’était pas permis. Parmi les femmes, Nekhludov aperçut aussitôt Maslova. Elle était au second rang. La première de ce rang était une femme hideuse, toute rouge, aux yeux noirs, les jambes courtes, sa capote maintenue par sa ceinture : c’était la Belle. Ensuite marchait la femme enceinte qui se traînait avec peine ; Maslova était la troisième. Elle portait son sac sur le dos et regardait droit devant elle. Son visage était calme et résolu. La quatrième femme du rang était jeune et jolie, en capote courte, la tête couverte d’un fichu noué, et elle marchait résolument : c’était Fédosia. Nekhludov descendit de