Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/313

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naires, pour la plupart bons et inoffensifs, sont devenus méchants uniquement parce qu’ils accomplissent leur service. »

Il se rappela l’indifférence de Maslennikov quand il lui parlait de ce qui se passait dans la prison ; la sévérité du directeur, la dureté du chef du convoi, interdisant à l’un des prisonniers de monter dans un chariot et n’ayant pas fait attention que dans le train se trouvait une femme en couches, sans secours. « Tous ces hommes sont évidemment invulnérables au plus élémentaire sentiment de pitié, simplement parce qu’ils servent. Comme fonctionnaires ils sont impénétrables à tout sentiment de compassion, comme le sont à la pluie ces terres empierrées, songeait-il en regardant le remblai pavé de pierres de différentes couleurs, que l’eau de pluie ne pénétrait pas et le long desquelles elle ruisselait. Peut-être est-il indispensable de couvrir de pierres les remblais, mais on souffre à voir cette terre privée de végétation et qui aurait si bien pu produire du blé, de l’herbe, des buissons, des arbres, comme là-haut. La même chose pour les hommes. Peut-être tous ces gouverneurs, ces directeurs, ces policiers, sont-ils nécessaires, mais il est teriible de voir les hommes dépourvus de cet attribut principal de l’homme : l’amour et la pitié. »

« Tout le mal, songeait encore Nekhludov, c’est que ces hommes reconnaissent comme loi ce qui