Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/323

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vert. Ma mère prit cette galette et dit : « Je vais chez le commissaire. » Mais, mon père, un vieillard ordonné, lui dit : « Attends, vieille ! Ce n’est pas une femme, c’est encore une enfant. Elle n’a même pas su ce qu’elle faisait. Il faut avoir pitié d’elle. Peut-être se repentira-t-elle. » Mais la mère n’a rien voulu entendre. « Tant que nous l’avons ici, dit-elle, elle nous empoisonnera tous comme des cafards ! » Alors elle est allée chez le commissaire. Tout de suite l’autre est accouru, et il a appelé des témoins.

— Et toi, qu’est-ce que tu faisais ? demanda le jardinier.

— Moi, frère, je me roulais par terre, dans des coliques, et vomissais. Toutes mes entrailles étaient à l’envers. Impossible de dire un mot. Et mon père attela le chariot, y fit monter Fédosia et la conduisit à la chancellerie du village et de là chez le juge d’instruction. Et elle, frère, elle lui a aussitôt tout avoué. Elle a dit où elle s’était procuré l’arsenic et comment elle avait préparé la galette. On lui demande : « Pourquoi as-tu fait cela ? » Elle répond : « Parce que je l’avais en horreur. J’aime mieux la Sibérie que de vivre avec lui. » C’est-à-dire avec moi, ajouta Tarass en souriant. Enfin, elle s’accuse de tout. On l’enferme en prison. Le père rentra seul. Mais voilà qu’arrive le temps de la moisson. Il n’y a à la maison qu’une femme, ma mère, et encore déjà faible.