Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/363

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de cette haute opinion de soi pour pouvoir supporter ce qu’ils avaient à endurer.

En les voyant de plus près, Nekhludov se convainquit que tous n’étaient pas féroces, ainsi que certains se l’imaginaient, ni tous des héros, comme d’autres le pensaient, mais qu’ils étaient des hommes ordinaires, parmi lesquels, comme partout, il y en avait de bons, de mauvais, de médiocres.

Les uns étaient devenus révolutionnaires sincèrement, parce qu’ils considéraient comme un devoir de lutter contre le mal existant ; d’autres pour des raisons d’égoïsme et de vanité ; mais la majorité par le désir — ressenti par Nekhludov pendant la guerre — de braver le danger et les risques, de jouer sa vie, sentiments ordinairement propres à la jeunesse courageuse. Ils l’emportaient sur les hommes ordinaires par l’élévation des sentiments. Ils considéraient comme obligatoires non seulement l’abstinence, la simplicité de la vie, la franchise, le désintéressement, mais encore le don de tout, même de l’existence, pour l’œuvre commune. C’est pourquoi, ceux d’entre eux qui étaient au-dessus de la moyenne, paraissaient bien supérieurs et offraient le modèle d’une rare perfection ; ceux, au contraire, qui étaient au-dessous de la moyenne, restaient bien inférieurs et apparaissaient faux, hypocrites en même temps que fanfarons et arrogants. Aussi, parmi ceux dont