Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/379

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tibule éclairé d’une petite lampe fumeuse. Là, près du poêle, un soldat en bras de chemise, en cravate et pantalons noirs, chaussé d’une seule botte à tige jaune, activait le feu du samovar, en soufflant avec l’autre botte qu’il avait retirée. En apercevant Nekhludov, il cessa son travail, vint l’aider à retirer son manteau de cuir, et passa dans la pièce voisine.

— Le voici, Votre Honneur !

— Eh bien, fais entrer ! répondit une voix irritée.

— Entrez par la porte ! dit le soldat en se remettant à son samovar.

Dans la pièce, éclairée d’une suspension, un officier était assis devant une table chargée des reliefs d’un dîner et de deux bouteilles ; un veston à brandebourgs moulait sa large poitrine et ses épaules et de grandes moustaches blondes barraient son visage très rouge. Dans la chambre, trop chauffée, sauf l’odeur du tabac on sentait celle d’un fort parfum de mauvaise qualité. À la vue de Nekhludov, l’officier se leva et fixa sur lui un regard à la fois railleur et soupçonneux.

— Que désirez-vous ? demanda-t-il. Et, sans attendre la réponse, il cria vers la porte : Bernov ! Et le samovar ? Sera-t-il enfin prêt ?

— Tout de suite.

— Je t’en donnerai, moi, tout de suite, que tu t’en souviendras ! cria l’officier, avec un éclair dans le regard.