Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/381

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— S’il vous plaît.

— Merci. Je voudrais bien la voir.

— La soirée est longue, vous aurez le temps. Je donnerai l’ordre de la faire venir.

— Ne pourrais-je pas aller la voir là où elle est ? demanda Nekhludov.

— Dans la section des politiques ? C’est défendu par la loi.

— On m’y a déjà autorisé quelques fois. Si l’on craint que je transmette quelque chose, je pourrais le faire aussi bien par elle.

— Ah ! mais non. Elle on la visitera ! fit l’officier avec un rire désagréable.

— Eh bien, dans ce cas, visitez-moi.

— C’est bon ; on s’en dispensera ! dit l’officier, en inclinant le flacon débouché au-dessus du verre de Nekhludov.

— Vous permettez ? Non ? À votre aise ! Quand on vit dans cette Sibérie, on est toujours heureux de rencontrer un homme cultivé. Vous savez que notre service est très triste. Et lorsqu’on est habitué à autre chose, c’est vraiment bien pénible. Et encore, nous autres, officiers de convois, nous passons toujours pour des hommes grossiers, ignorants, sans songer que nous étions peut-être nés pour une tout autre occupation.

Le visage cramoisi de cet officier, ses parfums, sa bague et particulièrement son rire désagréable, causaient à Nekhludov du dégoût, mais ce soir-là,