Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/42

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convenablement le petit, et je l’ai envoyé dans un asile. Pourquoi faire languir ce petit ange quand la mère se meurt ! D’autres font autrement : ils gardent l’enfant, mais comme ils ne peuvent le nourrir, il meurt ; moi je me suis dit : il ne faut pas que je regrette ma peine, je vais l’envoyer à l’asile. Comme on avait de l’argent, je l’y ai fait conduire.

— A-t-il eu un numéro ?

— Il a eu un numéro ; mais il est mort tout de suite. Elle me l’a bien dit, qu’à peine arrivé à l’asile il était mort.

— Qui, elle ?

— Mais une femme qui demeurait à Skorodnoié. C’était son métier. Elle s’appelait Mélanie. Elle est morte à présent. Une femme bien intelligente. Voici ce qu’elle faisait : quand on lui apportait un enfant, au lieu de le conduire tout de suite à l’asile, elle le gardait chez elle, le nourrissait. Quand on lui en apportait un autre, elle le gardait aussi. Elle attendait d’en avoir trois ou quatre pour les emmener tous ensemble à l’asile. Et chez elle, tout était arrangé avec intelligence : elle avait un grand berceau, comme un lit à deux personnes, où l’on pouvait coucher en long et en travers ; et elle les mettait là tous les quatre, les têtes bien séparées pour qu’ils ne se cognent pas, et les jambes emmaillotées. Elle les emmenait de cette façon quatre d’un coup. Elle mettait un biberon