Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/506

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par conséquent, incapables de punir ou d’amender leurs semblables. Il lui devint clair que le mal épouvantable dont il avait été témoin dans les prisons, et le calme, l’assurance de ceux qui le commettent, ne provient que de ce que les hommes veulent accomplir quelque chose d’impossible : étant mauvais, réprimer le mal. Des hommes vicieux veulent corriger d’autres hommes vicieux, et croient y parvenir par des procédés mécaniques. Alors des êtres besogneux et cupides choisissent comme profession d’appliquer ces prétendus châtiments et améliorations, et ils se pervertissent eux-mêmes au dernier degré, et sans cesse dépravent ceux qu’ils font souffrir. Maintenant Nekhludov voyait clairement quelle était l’origine de ces horreurs auxquelles il avait assisté et de ce qu’il fallait faire pour les détruire. La réponse qu’il ne pouvait trouver était celle que Christ avait faite à Pierre. La réponse était qu’on devait pardonner toujours, à tous, pardonner une infinité de fois, car il n’existe pas d’homme qui soit lui-même sans péché et qui, par suite, puisse punir ou amender.

« Mais non ! Il est impossible que ce soit si simple ! » se disait Nekhludov. Et cependant il savait, avec une évidence absolue, si étrange que cela lui eût paru d’abord, et tout habitué qu’il fût au contraire, que c’était là la solution véritable de la question, non pas seulement théoriquement mais pratiquement.