Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/509

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frappé sur une joue, tendre l’autre ; pardonner les offenses, les supporter avec humilité, ne rien refuser à ses semblables de ce qu’ils lui demandent.

Le cinquième précepte (Matthieu, v, 43-48) consiste en ceci : l’homme ne doit pas haïr son ennemi mais encore l’aimer, lui venir en aide, le servir.

Le regard fixé sur la lumière de la lampe, Nekhludov demeurait immobile. Se rappelant toute la laideur de notre vie, il s’imaginait ce qu’elle pourrait être si les hommes étaient pénétrés de ces préceptes, et un enthousiasme depuis longtemps inéprouvé inonda son âme, comme si, après une longue souffrance, il avait trouvé, soudain, le calme et la liberté.

Il ne dormit point de la nuit, et, comme il arrive à tous ceux qui lisent l’Évangile, il s’étonnait de comprendre parfaitement la signification de paroles qu’il avait lues maintes fois sans y attacher d’importance. Comme l’éponge aspire l’eau, il aspirait tout ce que ce livre contient de nécessaire, d’important, de consolant, et qui lui était révélé. Et tout ce qu’il lisait lui semblait connu depuis longtemps, et confirmait ce qu’il savait déjà, mais à quoi il n’avait pas cru jusqu’alors. Et maintenant il croyait ! Mais c’est peu de dire qu’il croyait. Non seulement il croyait qu’en vivant conformément à ces préceptes les hommes doivent atteindre le plus grand bonheur possible,