Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/88

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la et occupez-vous personnellement de la faire appuyer ; sans cela on demanderait de faire ici une enquête dont il ne sortirait rien. Faites donc tout votre possible auprès de quelqu’un d’influent dans la commission des grâces. Eh bien ! Est-ce tout ?

— Non. voici ce qu’on m’écrit encore…

— Il me semble que vous êtes devenu l’entonnoir par lequel s’écoulent toutes les plaintes de la prison ! dit l’avocat en souriant. Mais il y en a trop : jamais vous n’en viendrez à bout.

— Non, mais ceci est vraiment trop fort ! dit Nekhludov ; et il lui résuma l’affaire. Dans un village, un paysan avait lu l’Évangile et l’avait commenté à ses amis. Le clergé vit là un crime. On le dénonça ; le juge d’instruction interrogea, le substitut rédigea un acte d’accusation… et la Cour d’appel confirma.

— C’est quelque chose d’effrayant, dit Nekhludov. Est-il possible que cela soit vrai !

— Qu’y a-t-il là qui vous étonne ?

— Mais tout ! Je comprends le policier du village, qui exécute les ordres qu’il a reçus. Mais le substitut qui a rédigé l’acte d’accusation, un homme instruit, pourtant…

— Voilà l’erreur de s’imaginer que le parquet et la magistrature, en général, sont composés d’hommes nouveaux et libéraux. Oui, cela était, jadis, maintenant il en va autrement. Ce sont des