Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/115

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d’accoucher de trois enfants ; un troisième disait que la chatte du cuisinier, devenue enragée, avait mordu des gens. Mais enfin, la vérité se répandit peu à peu et arriva jusqu’aux oreilles de la maîtresse. Il semble même qu’on ne l’avait pas préparée. Le grossier Egor, lui raconta nettement toute l’histoire, et Madame en eut les nerfs si troublés que de longtemps elle ne put se remettre. La foule commençait à se calmer. La femme du menuisier avait allumé le samovar et donnait le thé, mais les étrangers, à qui il n’en était pas offert, trouvèrent inconvenant de rester plus longtemps. Les gamins commençaient à se battre près du perron. Tous savaient déjà ce qui était arrivé et, en se signant, se dispersaient, quand, tout à coup, on entendit : « Madame ! Madame ! » et tous, en se taisant, se rangèrent de nouveau, pour lui livrer passage. Mais tous aussi voulaient voir ce qu’elle allait faire. Madame, pâle, en larmes, pénétra dans le vestibule, puis sur le seuil du logis d’Akoulina. Des dizaines de têtes se serraient et regardaient dans la porte. Une femme enceinte était tellement serrée qu’elle cria, mais aussitôt, profitant de cette circonstance, elle se faufila devant. Et comment ne pas regarder Madame dans le coin d’Akoulina ? Pour les serfs c’était la même chose que le feu d’artifice à la fin de la représentation. C’était bien quand on allumait le feu d’artifice : alors c’était bien que Madame, en soie et en dentelles, entrât