Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/151

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au village Vodnoié, demande là-bas, la vieille Nikonova, c’est ma mère, tu entends. Dis à cette vieille Nikonova, la troisième izba du bout, près du puits neuf… dis-lui que, Aliocha… c’est-à-dire son fils… musicien !… joue ! cria-t-il. — Et il se remit à danser en marmonnant, et jeta à terre la bouteille qui contenait un reste d’eau-de-vie.

Ignate monta dans la charrette et voulut s’éloigner.

— Adieu ! que Dieu t’aide ! — prononça la vieille en s’enveloppant de sa pelisse.

Aliocha s’arrêta tout à coup.

— Allez au diable ! et ta mère aussi ! cria-t-il, les menaçant des poings fermés.

— Oh mon Dieu ! prononça la mère d’Iluchka en se signant.

Ignate fouetta la jument et les charrettes s’éloignèrent. Aliocha la recrue, se tenait au milieu de la route, et, en serrant les poings, avec une expression de rage sur son visage, il injuriait de toutes ses forces les paysans.

— Pourquoi vous arrêtez-vous ! Allez au diable, les sauvages. Vous n’échapperez pas à ma main, diables ! criait-il.

À ces mots sa voix s’entrecoupa et il tomba lourdement à terre.

Bientôt les Doutlov étaient en plein champ et n’apercevaient plus la foule des recrues.